Isaline
Dupond
Jacquemart
Ici,
j'écris
Là où les axolotls nagent
Mes membres flottants s’allongeaient dans une étendue orange
— une eau, presque chaude
Et mes paupières apaisées, cillent
Calme, mon dos face aux tréfonds
Mon torse éclatant émergeant d’une surface fripée
Et le ciel mordoré tâche mon visage

Plus loin, une terre de graminées en déploiement
Animée par des brassées venteuses invisibles
L’air est tiède
Le lac luit
J’exhale.

Car après l’orage, le chagrin, la douleur
Où connaître le calme ?
Là où les axolotls albinos nagent
Roses, à la peau translucide, ils peuplent la nuit les espaces liquides
S’animent au lever et coucher du soleil
Et glissent entre mes mains

Au loin, dans le grand pré doré
Une silhouette d’un blanc aveuglant s’avance
Ce monde, ni nuit, ni jour, est-il encore habité ?
Des visages sans visages, saturés de lumière,
Naissent des fleurs aux étoiles d’aigrettes, que le vent porte haut

Et mon corps plonge, là où l’orange se mêle au noir
Au fond, les herbes marines poussent

Un lamantin nage

J’inhale
De mes branchies naissantes
Un typhon de lumière
Une goulée d’eau
Puis, une brasse vers la surface
Une croûte de flots miroite
Agitée par les petits monstres d’eau

Et après l’orage, le chagrin, la douleur
La quiétude
Des fougères le long du chemin indiquent les voies que nous empruntons
Celles que nous choisissons et celles qui nous choisissent
Et de ces voies qui nous séparent
Croissent les frontières que nous pensons pouvoir traverser
Et au-delà de la prairie flavescente, ces frontières que nous rompons et qui nous rompent

De ces ruptures naissent des mondes aux cieux oranges
Où l’eau se mêle à l’air
Au fond, les herbes marines poussent et un autre monde meurt aussi
Ce monde, ni nuit, ni jour, est-il encore habité ?

Au loin, en bas de la colline
Deux personnes s’embrassent
Calmes, joues contre joues

Ce monde dont je ne ferai pas d’images
Ce monde que je ne photographierai pas
Qui s’étend dans mon esprit
Comment parler de ta perte, de ton souvenir,
De ton existence ?
Toi qui n’es parce que je vois

Au, loin au-delà des mers
J’avais les pieds dans l’eau
Les plages le long de la côte
Le soleil face au visage
Car comment parler de ta perte, de ton souvenir,
De ton existence ?
Là où les mondes se meurent et une partie de moi
Toi qui n'es parce que je vois

Là où les axolotls albinos nagent
Roses, à la peau translucide, ils peuplent la nuit
Les espaces liquides
S’animent au lever et coucher du soleil
Et glissent
Entre mes mains
Avril 2022